Les chefs d’États et de gouvernements des 46 pays membres du Conseil de l’Europe se sont réunis pour un Sommet à Reykavík les 16 et 17 mai 2023. Ce type de rencontre de haut niveau est rare puisque c’est seulement le 4ème Sommet depuis la création de cette organisation en 1949. En premier lieu, c'est l’exclusion de la Fédération de Russie, le 16 mars 2022, à la suite de son agression armée contre l’Ukraine qui a provoqué l’organisation de ce Sommet. Mais c’est en même temps une opportunité historique pour réaffirmer les valeurs fondatrices du Conseil de l’Europe - les droits humains, la démocratie et l’État de droit - et pour revisiter sa mission à la lumière des enjeux actuels et face aux nouvelles menaces. Aussi, les priorités, les stratégies et le fonctionnement de l’organisation ont été examinés dans la perspective de mettre en place les réformes et les changements nécessaires.

Dans cette perspective, la Conférence des OING (COING) qui est la voix de la société civile organisée au sein du Conseil de l’Europe, reconnue comme instance représentative des OING dotées du statut participatif a saisi cette opportunité pour adresser une Recommandation spécifique au Sommet de Reykjavík. La COING a notamment insisté sur la nécessité de renforcer le système européen de garantie de l’ensemble des droits humains, aussi bien dans le cadre de la Convention européenne des droits de l’homme que de la Charte sociale européenne. Ainsi, une attention particulière est portée aux droits économiques, sociaux et culturels, au nom de l’indivisibilité et de l’interdépendance des droits humains, principes reconnus par la communauté internationale.

Alors que la Commissaire aux droits de l’homme Dunja Mijatović a exprimé son souhait que ce Sommet permette « d’inverser la tendance actuelle au recul des droits humains » , soulignant elle aussi l’attention nécessaire à accorder aux droits économiques et sociaux, qu’en-est-il de la réponse des chefs d’États et de gouvernements concernant la place de ces droits dans la stratégie du Conseil de l’Europe ?

Le titre de cette Déclaration « Unis autour de nos valeurs » rappelle d’emblée l’objectif de la création du Conseil de l’Europe : accroître la coopération des États dans le but de défendre les valeurs européennes de démocratie et de protection des droits humains. Ainsi, l’attention portée à ces « valeurs fondamentales » implique la prise en compte des droits économiques, sociaux et culturels qui font intégralement partie des droits protégés par le Conseil de l’Europe.

La référence notable dès le début du §. 24 de la Déclaration, au principe de « justice sociale » qui est « essentielle à la stabilité et à la sécurité démocratiques » fonde l’ensemble des droits sociaux, économiques et culturels. Ainsi, les chefs d’États et de gouvernements s’engagent pleinement à mettre en œuvre les droits sociaux garantis par le système de la Charte sociale européenne. Concrètement, l’organisation d’une Conférence de haut niveau est prévue en vue de définir d'autres engagements au titre de la Charte. Ainsi la défense des droits sociaux figure parmi les objectifs principaux de la nouvelle vision stratégique du Conseil de l’Europe. La COING est bien évidemment préparée à contribuer à ces nouvelles avancées, comme par le passé.

Outre cette mention explicite des droits sociaux, la Déclaration reconnaît la dignité et l'égalité comme le fondement de la société. Ainsi la lutte contre la discrimination sera menée de manière intersectionnelle, dans le but d’atteindre une société inclusive, exempte de marginalisation, exclusion, racisme et intolérance, en tenant compte des discriminations multiples auxquelles sont confrontées les groupes et personnes en situation de vulnérabilité. Ces objectifs sont inhérents aux droits sociaux, économiques et culturels dont les États doivent assurer la mise en œuvre et le respect conformément aux normes du Conseil de l’Europe. En application du principe d’indivisibilité des droits, la dignité d’un individu ne peut et ne devrait pas être écartelée entre deux sphères : le Conseil de l’Europe est engagé à consolider cette approche holistique.

L’analyse de la Déclaration de Reykjavík montre un intérêt supplémentaire accordé aux droits économiques, sociaux et culturels. Tout d’abord, une attention particulière est portée à l’éducation. Ainsi, la transmission des valeurs démocratiques et du patrimoine culturel du Conseil de l’Europe aux jeunes est considéré comme enjeu primordial. Cette approche sociale de l’éducation rejoint la promotion des droits de l’enfant (§18), avec une priorité portée sur la situation des enfants d’Ukraine (Annexe II). Les États s’engagent à assurer la protection de tous leurs droits humains, intégrant de manière explicite leurs droits sociaux. Ainsi, des mesures seront prises pour défendre le « droit à la vie, à l’abri de la violence, au respect de la vie familiale, à la non-discrimination, à la jouissance de leur propre langue et de leur propre culture, à la sécurité sociale, à la jouissance du meilleur état de santé physique et mentale atteignable, à l’éducation et au logement, ainsi qu’à l’accès à la justice » des enfants d’Ukraine. L’enjeu de l’éducation est plus largement pris en compte dans les Principes de Reykjavík pour la démocratie, énoncés dans l’Annexe III de la Déclaration. Des initiatives et programmes d’éducation aux droits humains et aux valeurs démocratiques sont indispensables à la transmission et la pérennité de ceux-ci.

The CINGO also proposed and expected climate crisis and environmental protection commitments. In §28, the urgency of the situation is underlined: additional efforts are needed to protect the environment and limit the climate crisis, the impact of which on human rights is inescapable. Annex V of the document is devoted to the Council’s environmental commitments. To this end, the case law and practice of the European Court of Human Rights and the European Committee of Social Rights are recalled and similarly placed at the same level (§.4). The logical link between environmental protection and the protection of social rights is established. In §6 of this Annex, the Heads of State and Government specify the importance of the landscape for individual and social well-being, from which rights and responsibilities flow. The role of the European Landscape Convention and its impact on the public interest in the ecological, environmental and social fields is thus emphasised.

Le rôle de la société civile indispensable au bon fonctionnement de la démocratie, est rappelé à plusieurs reprises dans la Déclaration. La COING avec ses 300 membres dotés du statut participatif, est au cœur de la coopération entre le Conseil de l’Europe et la société civile. Finalement, les chefs d’État et de gouvernements appellent à « un renforcement de l'action de l'Organisation auprès des organisations de la société civile et des institutions nationales de défense des droits de l'homme, ainsi qu'à un engagement significatif avec ces dernières. » (§.40).  

Anna Diaz et Jean-Bernard Marie, Université de Strasbourg